Lettre au Président de la République

mercredi 13 mai 2009

Monsieur le Président de la République,
Nous vous adressons ce soir cette lettre depuis un haut lieu des valeurs républicaines de notre pays. Ce lieu nous oblige à un examen de conscience.
Sur les marches du Panthéon, ce temple des Grands Hommes, symbole de la nation solidaire, nous venons rendre leur nom et leur histoire à des centaines de nos concitoyens, ces hommes et ces femmes que la vie à la rue a condamnés à une mort prématurée.

Ce n’est pas la Grande Histoire, c’est sa face cachée, celle des accidentés de la vie sociale, des vulnérables, des oubliés, des sans droits. Mais que valent les discours et les hommages d’une nation à des hommes tels que Victor Schœlcher, René Cassin, Jean Monet, Jean Moulin et tant d’autres grands héros de la France si cette même nation ne reconnaît pas que chaque homme est grand.

Comment pouvons-nous porter et clamer partout dans le monde les droits de l’homme lorsque sur le sol français des hommes et des femmes continuent de mourir dans la rue, dans l’indifférence générale, celle de nos gouvernants absents ce soir, celle des nos élus politiques qui n’écoutent pas les plus fragiles d’entre nous.
En réalité, la France a mal à ses 100.000 sans–abri. Et C’est une maladie des Droits de l’Homme. La France a mal a ses exclus parce que son système d’aide s’avère incapable de permettre à ces personnes de sortir de la rue.
D’où vient le mal ? Sans doute d’abord du regard que portent les Français sur ceux qu’ils appellent « SDF », c’est le mythe, plus ou moins fantasmatique du « clochard irrécupérable », qui ne représente en fait qu’une infime partie de la population si diverse de la rue où chacun a son histoire. Or c’est pour cet éternel assisté, qu’on a construit, au cœur du dispositif d’aide, l’hébergement de masse dans l’urgence. On a simplement oublié la seule question qui vaille, celle de l’homme : comment reconnaître à une personne de la rue sa dignité d’homme ? Quels sont les bons outils de la reconstruction personnelle ? Non pas seulement comment l’abriter mais comment l’accompagner ?

A qui fera-t-on croire qu’un individu peut se reconstruire en se faisant embarquer tous les soirs par un bus pour l’asile de nuit ? On entend dire, ou l’on pense tout bas : « c’est assez bon pour des gens à la rue ». Nous acceptons pour eux des conditions de survie (plutôt que de vie) que nous n’accepterions pas pour nous mêmes
Il faut donc tout remettre à plat. Une véritable révolution serait de passer d’une logique de l’urgence et de l’accueil en nombre à une logique de l’accompagnement individualisé Les réponses existent et elles sont nombreuses, mais celles-ci ne peuvent être développées que si l’Etat et son plus Haut Responsable décident d’en faire une priorité.

Nous attendons depuis des années une politique volontariste et ambitieuse. Pour construire cette politique alternative, le Collectif Les Morts de la rue réclame l’ouverture d’un triple débat : sur les conditions d’accueil et d’hébergement, puis de logement qui permettraient à une personne venue de la rue de véritablement revivre, sur les conditions d’un accompagnement efficace prenant en compte la globalité de la personne, et enfin, au niveau de l’Etat, sur l’opportunité de créer une structure pour piloter, en collaboration avec les associations, l’ensemble de cette nouvelle politique dans ses multiples aspects (santé, logement, emploi…)

Monsieur le Président, allons nous continuer à dénombrer plus d’un décès par jour, allons nous rester impuissants devant cette catastrophe ?
Nos enfants nous jugeront plus tard pour non-assistance à personnes en danger. Quel est le projet de société d’une nation qui laisse vivre et mourir des personnes sur nos trottoirs. La compassion ne suffit pas. Rien ne changera si ne change pas le regard des Français sur ceux qu’ils appellent « SDF ». Mais vous savez bien que rien ne changera non plus sans une impulsion politique.
Monsieur le Président, au nom de la solidarité dans notre communauté nationale, nous attendons de vous l’ouverture de ce débat pour une nouvelle politique.
Vous n’êtes pas le premier à avoir promis d’éradiquer ce mal. Serez- vous le premier à promouvoir une véritable politique de sortie de la rue qui, cessant de traiter ces personnes en citoyens de seconde zone et en éternels assistés, saura leur redonner confiance en eux-mêmes, en leur rendant leur droit à la liberté, à l’égalité et à la fraternité ?
Alors, dans ce combat pour la justice, ces morts que nous honorons ce soir n’auront pas été inutiles

Nous vous prions d’agréer, Monsieur Le Président, l’expression de sentiments respectueux.

Le Collectif les Morts de la Rue


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